Aujourd’hui j’ai l’immese plaisir de vous presenter le portrait d’une jeune artiste francaise qui pratique l’art ancestrale de la peinture à l’encre noir : Sumi-e. J’ai l’honneur d’accueillir dans mon blog a Morgane Boullier.
Dans le cadre de notre défi trimestriel #PaperLoversProject, dimanche nous avons réalisé un Live sur mon compte Instagram, dans lequel nous avons la chance d’echanger avec elle, en compagnie de l’invitée d’avril Cath Davy. Pour écouter le replay cliquez ici. Mais avant de l’écouter, je vous propose de lire son Portrait d’artiste :
Tout d’abord, peux-tu te présenter
Bien sûr 🙂 Je m’appelle Morgane Boullier, j’ai la trentaine, je suis artiste-illustratrice, et je vis au Japon, de façon « discontinue » depuis 2016. Je suis tombée amoureuse de la peinture sumi-e à mon arrivée, et tente depuis de mettre la lumière sur cette pratique artistique – qui est aussi une philosophie – si peu connue en France, tout en suivant moi-même l’enseignement traditionnel de mon sensei (professeur) japonais.
- Avant de vivre au Japon, avais- tu avais un autre style de peinture ?
Avant de vivre au Japon, je travaillais dans le dessin animé, numériquement, dans un style plutôt cartoon, et sur mon temps libre je peignais surtout au « brou de noix », une encre brune destinée à teindre les meubles en bois. Technique toujours très chère à mon coeur, même si je privilégie aujourd’hui la peinture sumi-e.
J’adorais déjà les sujets « naturalistes » : essentiellement les oiseaux, et les mammifères au pelages soyeux .
J’ai aussi réalisé un petit court-métrage animé, à visée environnementale, pour encourager les enfants (et aussi les plus grands) à garder une petite zone en friche dans leur jardin, et à y observer la biodiversité .
Pas encore au Japon et pourtant déjà le nez dans les nuages de fleurs !
- Le Japon et toi, une histoire d’amour de longue date?
Pas du tout ! Je n’avais pas d’intérêt particulier pour le Japon avant d’y vivre, si ce n’est celui de bien manger, et de découvrir de nouvelles terres lointaines
Mon amour pour le pays s’est développé petit à petit, au fil de notre nouveau quotidien japonais.
- Comment as-tu découvert le sumi-e?
J’ai découvert le sumi-e en arrivant au Japon en 2016, un peu « par hasard ». Je suis tombée sous le charme de la couverture d’un joli livre japonais dans une librairie tokyoïte, livre expliquant les techniques avancées de ce style de peinture. J’ai fait des recherches en rentrant chez moi et découvert pour la première fois le terme « sumi-e » 墨絵 (peinture à l’encre).
Quelques semaines plus tard, je suis allée visiter une exposition sur le sujet à Tokyo, j’y ai rencontré mon sensei, et débuté ainsi un long apprentissage et surtout une très très belle aventure.
- Le sumie vu de l’extérieur semble facile, quels sont les défis de ce style de peinture ?
Ha ha… Effectivement, lorsqu’on regarde peindre un artiste sumi-e de haut niveau, on a l’impression sur son pinceau glisse sur le papier, que tout naturellement, on obtient ces variations de couleurs, de textures, de sec et d’humide, ces lignes parfaitement imparfaites. Et pourtant, avant d’arriver à ce niveau, des heures et des heures de pratiques sont nécessaires.
Il faut apprivoiser le matériel, l’encre, la pierre à encre, le papier, si fin et si différent de celui que l’on utilise en occident, ainsi que les pinceaux. Apprendre à doser l’encre et l’eau en fonction des effets que l’on veut obtenir, à peindre plus ou moins rapidement pour obtenir tel ou tel effet, à tenir son pinceau plus ou moins horizontalement, etc etc… C’est une petite chorégraphie des mains que l’on doit répéter des dizaines, voire des centaines de fois avant de la maîtriser.
Il faut aussi réussir à capter « l’essence » d’un sujet en quelques traits, savoir s’arrêter à temps. Accepter de lâcher prise et se faire confiance. Être patient.
Enfin, je dirais que le fait de peindre sans croquis préparatoire est un sacré défi, et nécessite de développer son sens de l’observation pour ne pas se retrouver avec des oiseaux qui ressemblent à des grenouilles .
- Ce que tu aimes le plus et le moins du sumie?
Ce que j’aime le plus :
– l’état méditatif que la pratique nécessite, un vrai moment de détente (ou tout l’inverse parfois il faut bien le dire !)
– la « magie » de la pratique, et de l’encre, si vivante et indépendante, qui ajoute « sa patte », aléatoire et unique, à chacune de nos oeuvres.
– les sujets traditionnels, directement inspirés de la nature, qui encouragent à aller au rythme des saisons, à observer et s’émerveiller de chacune d’entre elles, des détails de chaque chose, chaque fleur, chaque oiseau, chaque instant.
– le lâcher prise que requiert la pratique : si l’on est stressé lorsqu’on peint, cela se ressentira dans notre peinture, si l’on est apaisé, cela se ressentira aussi. Avec le sumi-e, il ne faut ni chercher la perfection, ni trop réfléchir. Il faut se lancer, bien connecté à son coeur et son état intérieur. Se faire confiance. Laisser glisser son pinceau sur le papier, et découvrir sa création prendre vie petit à petit.
– l’odeur de l’encre sumi ♥️
Je m’arrête là mais la liste est encore longue, très longue…
Ce que j’aime le moins :
– la difficulté à trouver du matériel adapté et de bonne qualité lorsqu’on n’est pas encore assez « expert » (trop de choix au Japon, pas assez en France).
- Peut-on s’initier au Sumie avec les matériels d’Occident, c’est-à-dire : pinceaux, aquarelles et papier coton?
Il me semble possible de tester et de se familiariser avec ce style de peinture épuré avec du matériel à aquarelle occidental (la preuve avec ce défi), en revanche, pour vraiment « ressentir le sumi-e », je crois qu’investir dans du matériel spécialisé de bonne qualité est indispensable.
En attendant, pourquoi pas s’entraîner à peindre sans croquis, en « résumant » un sujet à quelques traits au lieu de chercher le réalisme, etc…?
8. Comment a été ton expérience de vivre au Japon?
-
Riche, très riche. De découvertes, d’apprentissage, d’émerveillement, de rencontres, d’émotions. Pas toujours facile, parfois frustrante, mais tellement enrichissante.
Je n’en serais certainement pas là aujourd’hui, à discuter de sumi-e avec toi, sans cette expérience au Japon. Je suis tellement reconnaissante d’avoir découvert cet art à ce moment là de ma vie.
Le Japon et moi, c’est une histoire qui est loin d’être terminée.
- Quitter le Japon, revenir en France, quels sont tes projets futurs?
Pour l’instant savourer les retrouvailles avec nos proches, que nous n’avons pas vu depuis 2 ans. Et puis ensuite, trouver un nouvel équilibre de travail, peindre peindre peindre, me laisser inspirer par ce nouvel environnement, partir à la recherche du matériel sumi-e disponible en France pour enfin pouvoir conseiller ceux et celles que cela pourrait intéresser, et avancer sur les diverses projets sur lesquels j’ai commencé à travailler ces derniers mois, tous liés au sumi-e. Plus d’informations sur le sujet à venir en début d’été !
Nous serons en France au moins jusqu’à fin août, avant de poursuivre nos aventures, ici ou là-bas …
- Quels conseils puis-tu offrir à celles qui, habitant en occident, veulent se lancer à l’aventure Sumie ?
– Acheter du matériel adéquate, et de bonne qualité : papier « gasen » (papier de riz), pinceaux orientaux destinés exclusivement au sumi-e ou à la peinture chinoise, encre sumi (liquide okay pour commencer), feutrine à placer sous notre feuille de papier, couleurs « gansai tambi » (aquarelle japonaise) …
– Si possible trouver un sensei
– Ou à défaut pratiquer avec des vidéos YouTube
– Bien choisir son moment pour peindre : cadre agréable, lumineux, calme, état intérieur, etc… Se créer « sa bulle zen »
– Ne pas se décourager et faire preuve de patience
– Pratiquer encore et encore
- Et pour finir, si tu étais un dessin, tu serais ?
Une toute petite branche de prunier, sans aucun doute.
Merci infiniment Morgane pour avoir répondu à toutes mes questions et je te souhaites une belle rentrée en France!
J’espère que par le biais de cet interview avec Morgane, vous pouvez vous impregner de la philosophie de vie qu’émane la peinture Sumie et l’adopter pour créer une bulle zen dans votre rituel créatif.
Connaisez-vous avant la peinture méditative Sumi-e? Ce style de peinture est le thème d’avril de notre défi pour le trimestre printemps. Pour recevoir la newsletter, inscrivez-vous ci-dessous.
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